Rien sur Robert

Publié le par zarzuela

Rien sur Robert, de Pascal Bonitzer
On se dit « Tiens, encore un film chiant sur le microcosme parisiano-littéraire, avec ses petites angoisses (est-ce que je vais rouler une pelle à Jeanne, la copine de ma copine, alors que c’est sa cousine Charlotte que j’aime ?), ses petites joies ( ça y est, mon article sur « Sémantique et sémiotique des libertins » a enfin été publié à compte d’auteur chez Trouffignon !), et ses petits soucis, aussi (cet été, euh, le Lubéron ou la Toscane ?…)

En fait, c’est vrai, il y a un peu de ça, mais ce n’est que le décor du film, pas son propos. Ce que Pascal Bonitzer nous montre surtout, c’est le sadisme inhérent à toute relation affective et sociale.

Didier, mixe de divers intellectuels parisiens existant réellement (à toi de jouer : sauras-tu trouver qui se cache derrière ce personnage ?) se traîne deux gros boulets : primo, un article malheureux écrit par ses soins sur un film croate qu’il n’a jamais vu, et dont évidemment tout le monde lui parle, deuxio, une petite amie à la fois moche, désagréable et cruelle qu’il vénère de façon tout à fait incompréhensible.

Didier, interprété par Fabrice Luchini, est en effet quelque chose comme le souffre-douleur de Juliette, grande bringue hargneuse et castratrice, spécialiste du collier de couilles. Totalement soumis, fournissant travail, logis, argent, et surtout une grande oreille masochiste quand Juliette lui narre par le menu ses escapades sexuelles avec d’autres, Didier tente de se refaire une virilité en ayant à son tour une aventure avec Aurélie. Tentative vouée à l’échec : elle l’aime, alors forcément, ça ne peut pas marcher.

L’autre solution pour retrouver ses attributs masculins (symboliquement, s’entend) consiste à martyriser sa mère, femme simple, éperdue d’amour et d’admiration pour son écrivain de fils, et prête à tout subir au nom de l’amour maternel. La scène où il l’insulte publiquement de façon gratuite nous montre l’autre facette de son personnage : de victime, il devient bourreau, et force est de constater que telle est bien la réalité du sado-masochisme. En psychologie, il n’y a pas pire persécuteur que la victime, laquelle par ailleurs consent au martyre et vient même en redemander, la chienne !

C’est donc un film très cruel dans le fond, et dépourvu de toute morale, où un certain milieu littéraire n’est pas forcément montré à son avantage. Le personnage de l’écrivain prof de fac, joué par Michel Piccoli, caractériel tyrannique entouré d’une assemblée soumise de folles perdues montre l’aspect social du sadisme : ceux qui dominent ont bien compris qu’il fallait écraser et humilier pour être reconnus, quitte à régner sur une cour d’ennuques.

Publié dans Chroniquettes

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